Danse ta gigue, virevolte, saute, esquive
pendant que je déploie et replie sans faillir
mon tapis infini. Mon roulis te captive.
Ce formidable compagnon, ne veut vieillir.
Le tintement du bronze, perce l'atmosphère.
Cypérales, figées à ras de l'eau, stoïques,
Plantées au milieu de la brume aux airs mystiques,
Le pêcheur espère, pourvu que cela ferre !
De mon sommet je te contemple astre fumeux.
Crois tu pouvoir, mieux que moi, déployer ta force ?
Abîme-toi, poursuit ton rêve cotonneux.
Les roches savent à quel point je suis féroce !
La marque du temps, du vrai chemin te détourne ?
la brume te cache ta destination ?
De ta foi, pourquoi vouloir faire une ristourne ?
Avance, ton guide est ton obstination.
Furie passée appose ici ton empreinte,
Furie présente marque les coeurs de crainte.
Furie à venir, morne déliquescence.
Neptune affirme là sa grandiloquence.
Cercles siamois, enchâssés tel l'ouroboros,
Clonés à l'infini, jaillissez de mon esprit !
Doux à se ressasser, à rabâcher à l'envie,
Tôt ou tard, le regard portera extra-muros.
Arrêtes effilées des grises certitudes,
Mes sentiments se déroulent comme les vagues,
Mais ne vous émoussent. Etrange mascarade !
Accomplissez là votre infinie servitude.
Marques insculpant notre plancher maritime,
Peintures rupestres de la création,
Luisez pour de multiples générations
A travers nos esprits, vos écrins légitimes.
Glisse tranquillement sur l'Iris d'eau,
Fend ce miroir cristallin mordoré
Reflétant nos âmes enluminées.
Préserve notre paisible hameau !
Hasard, sort ou oubli, capture involontaire.
Ton chanfrein jalonne cette mer circulaire.
Clapot éphémère. souvenir de l'ondée
Retrouve l'esprit, à cette heure évaporé !
Toit des fantômes, temporaire incertain.
Immobile passant, partage mon destin !
Suis-moi, Vagabonde, entre l'airain et l'azur,
Corps et âme rejoignez votre halte obscure.
Pyramide minérale, pic érigé,
Cisaille l'encre du reflet arborescent.
Monument fugace des baigneurs désœuvrés.
Encore quelques temps à trôner fièrement.
Tes stipes tiraillées entre mer et espace,
semblent battre au vent, se lamentant à voix basse.
Conquérant la côte, tu façonnes la plage.
Labeur séculaire, nécessaire passage.
Charge tes jeunes chalands, mets toi en abîme.
Achemine nos précieuses marchandises.
Evite le berme, ses affres, sa traitrise.
Sans verser cruor, protège nos fils sublimes.
File le long des crêtes, ouvre grand tes phares,
Nul dépendeurs d'andouilles, horizon sans fard.
Rêve de liberté sur la dune infinie,
Acrobate des siouf au teint embruni.
Cyclopéens sillonnant le chemin de ronde,
Vos pas creusent les flaches septentrionales,
Poséidon s'impatiente et y abonde.
Protégeons nous de leurs fantaisies agonales.
Au lointain, brille dans le ciel empyréen,
Lune, Irradie cette surface spéculaire
qui fait naître les spectres multiséculaires.
Clarté, obscurité, bien trop manichéen.
Miroir bordé par la lisière résineuse,
Les roches grises telles d'augustes mineuses,
Sortent en surface jouir de ta beauté.
Quelle surprise de les voir ainsi flotter !
Vis, flottes, luis, pourvoies avec tes mille soeurs
Enveloppe mon bois jusqu'à la dernière heure.
Après l'étiolement, à la nitescence,
Transparaîtra la preuve de ton existence.
Crocs de terre transperçant l'horizon ardent,
La marée bat sans atteindre le firmament.
Vestiges, la terre vous dresse fièrement.
Pour vous maintenir, étrangement, nul cardan.
Ombres sculptées sur les ténèbres de platine,
Illusion d'ailleurs, au coeur du nouveau monde.
A pareille heure somnolent tes baladines,
Valorisant le chant des royales osmondes.
Océans sondés, flots et affluents explorés,
Maintes fois, appréhendées pourtant ignorées.
Il me fallut ascencionner la pelée,
Pour apprécier leur gage de rareté !
Badauds flânant le long de la grève de sable,
Au flot habituellement intarissable,
Vous paraissez bien épars en cette saison.
Temps béni pour la silencieuse oraison.
Malgré vents et marées tu restes arrimé.
Arrosé, balloté, héritier de l'estran,
Eaux-vives, eaux-mortes, ta place est dirimée
Hâte-toi, presse le pas, ton rythme est frustrant.
Ecorces arrachées, aubier décortiqué,
Planches tressées au littoral aiguilletées.
Oeuvre fugace nécrosée par les saisons,
Coule continuellement dans les tréfonds.
Vadrouille, glisse, acrobate de la ramure
Cambrure asymétrique, profil d'avion
Tu nargues la gravité en suspension,
La chute viendra, à tribord de ton amure.
ô fortune de l'instant, enflamme nos sens,
Macule l'espace de ton aura nacrée.
Si mes songes ne m'y avait point préparé,
Ta capture accidentelle fut magnificence.